Le château de Grammont au nord de la forêt de Bercé à Saint Mars d’Outillé correspond à un ancien prieuré de l’ordre de Grandmont. Cet ordre monastique qui n’existe plus aujourd’hui était un ordre de moines ermites suivant la règle de Saint Etienne de Muret, leur fondateur, contemporain de Saint Bruno. Comme les Chartreux, ces moines cherchaient Dieu dans le recueillement et la solitude avec une règle de vie basée sur les principes de l’Évangile. Ils établissaient leurs prieurés au plus profond de la forêt, loin des préoccupations mondaines et des richesses. Ces prieurés étaient appelés « celles ».
Le prieuré Saint Hilaire de Bercey (ou Bersay) fut édifié en 1156 avec l’aide d’Henri II Plantagenêt [1], qui possédait « en tierce partie » la forêt de Bercey [2].
Pour être en conformité avec la règle de l’ordre qui exigeait la possession complète de leur enclos, les Grandmontains ont demandé au Chapitre de la cathédrale du Mans, copropriétaires de la forêt de Bercé, de leur accorder la pleine possession de leur enclos. Monseigneur Guillaume de Passavent et le Doyen Philippe donnèrent au Frère Bernard et à ses religieux la totalité de leur enclos dans la forêt de Bercé. L’Evêque du Mans y ajouta les landes qui entouraient la source du Narais et les bordages de la Mersanderie, du Mineray, de Bel Essort, des Forges, du Petit et du Grand Bois l’Evêque [3].
La fondation de Bercey fut confirmée par Richard Cœur de Lion en 1189 [4]. En 1335, le roi de France Philippe VI confirma aux religieux les avantages accordés par le roi d’Angleterre. Le domaine permit aux frères d’établir 3 étangs : Moncelas, La Porte et La Salle.
Monseigneur Hamelin, évêque du Mans, fut l’un des principaux bienfaiteurs du prieuré de Bercey. Il s’y retira et y mourut centenaire le 31 octobre 1218. Il fut enseveli dans le chœur de l’église. Des recherches furent entreprises en 1948 pour retrouver son tombeau mais elles se révélèrent infructueuses.
Lors de la réorganisation de l’ordre en 1317, le pape Jean XXII a uni le monastère de la Hubeaudière fondé par les comtes de Vendôme au XIIème siècle au prieuré de Bercey [5].
En mars 1365, en pleine guerre de cent ans, les Anglais occupèrent le monastère de Bercey et des notables de la ville du Mans firent incendier le monastère pour les en chasser. Il fut ensuite rebâti.
Le prieuré Saint Hilaire de Bercey reçut des dons d’autres bienfaiteurs au cours des siècles et devint l’un des grands monastères de l’ordre de Grandmont qui comptait environ 165 prieurés en France au XVIIIème siècle avec son abbaye-mère à Grandmont dans les monts d’Ambazac en Limousin.
Les moines grandmontains appelés communément « les Bonshommes » résidèrent au prieuré Saint Hilaire de Bercey jusqu’en 1778 jusqu’à la dissolution de leur ordre. Le dernier prieur de Bercey, Dom Jean Caillon des Joubertières, décéda le 14 décembre 1788. Les prêtres de l’Oratoire du Mans reprirent la gestion du monastère mais celui-ci fut vendu comme bien national le 18 janvier 1793 et acquis par Marius Letourneau, maître couvreur au Mans, qui, pour payer l’acompte de son achat, démonta les vitraux, les grilles, les portes sculptées, les ferrures, jusqu’à la croix du clocher. Maître Royeau, maire de Saint Mars d’Outillé et le curé Patry, cherchèrent à le dissuader de continuer la démolition, espérant sauver le prieuré [6]. Le monastère fut néanmoins démoli aux trois quarts et ses pierres dispersées pour diverses constructions aux alentours. On peut ainsi remarquer à la Petite Saulaie une pierre portant sur l’une de ses faces le bâton et la coquille des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle [7].
En 1817, le prieuré fut acheté par la famille Blouère qui en est toujours propriétaire aujourd’hui. Elle rénova le bâtiment Est et récemment, remet en valeur les jardins tels qu’ils étaient décrits dans divers documents dont l’adjudication de 1793.
L’Association de Bercey-Grammont cherche à apporter un soutien à la conservation de ce lieu chargé d’histoire. Pour toute demande particulière vous pouvez appeler au 02 43 80 06 21.
[1] Louis Guibert : « Destruction de l’Ordre de Grammont » – Limoges 1877 p.734 [2] Comte de Dion : « Bulletin monumental » 1877-1878 p.6 [3] Léon Gerbe : « Histoire du Canton d’Ecommoy » Le Mans éd. 1977 p.8 [4] Julien-Rémy Pesche « Dictionnaire historique topographique de la Sarthe tome 5 1974 [5] Archives départementales de la Sarthe H1120 [6] Léon Gerbe : « Histoire du Canton d’Ecommoy » Le Mans éd. 1977 p.69 [7] Cahiers grandmontains, bulletin GEREG n°9